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Extrait du "Clan"

6 décembre 2013

(retour à la page d'accuei) Chapitre 1 - Le clan

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Chapitre 1 - Le clan

             Depuis des temps immémoriaux, le clan de l’hermine avait trouvé refuge et s’était fait un foyer dans une faille horizontale à flanc d’une petite falaise. Elle communiquait avec la vallée en contrebas par une sorte d’escalier étroit, peu à peu creusé dans la paroi de terre et d’éboulis rocheux. Ce passage était barrée par quelques pieux épointés et liés entre eux pour éloigner les ours qui auraient pu s’approcher. La faille était large d’une trentaine de pas, haute de quatre ou cinq et assez profonde pour qu’il faille utiliser des torches de résineux dans l’obscurité du fond.

            Sur l’avant, une plate-forme protégée des pluies par un ressaut rocheux, permettait de stocker le bois de chauffage et de surveiller les environs en restant à l’abri des intempéries. Il y avait toujours un guetteur qui s’y tenait, de jour comme de nuit. Pendant les longues périodes hivernales, un feu continuellement entretenu chauffait son dos ; ce n’était pas superflu car les grands froids arrivaient tôt, dès la fin de l’été, et se prolongeaient jusqu’à la floraison qui était tardive.

           Tout l’hiver, la neige et la glace recouvraient pleines, vallées et hauteurs, balayées presque continuellement par un vent aigre. Il s’annonçait par la migration des rennes qui les traversaient pour aller plus au sud afin d’échapper aux très grands froids qui figeaient tout. C’était pour le clan le moment de se blottir, bien au chaud, vers le fond de la faille, à vingt ou trente pas de l’entrée, après l’avoir coupée par une sorte de mur de roseaux habillé de vieilles peaux de rennes râpées par l’usage. L’été fort court, quatre lunes pas plus, le clan descendait et dressait ses huttes de branchages au fond de la vallée, traversée par une petite rivière aux eau claires et fraîches qui leur fournissait poissons et petits batraciens en abondance.

           Le clan de l’hermine se composait d’hommes plus ou moins âgés, certains à peine adultes ou déjà dans la force de l’âge, deux ou trois parmi les plus vieux avaient même déjà connu plus de trente ou quarante étés ; de femmes, généralement plus jeunes, et d’enfants, ces trois groupes à peu près à égalité de nombre. Ils formaient une communauté dont le nombre, relativement stable évoluait au gré des naissances (deux ou trois chaque été) et des décès, par maladie ou, plus rarement, d’accidents de chasse aux ours ou aux tigres des neiges.

          Ils vivaient tous ensemble sous la houlette d’un chef, le chasseur le plus expérimenté et le plus robuste qui organisait les expéditions pour aller à la rencontre des groupes voisins, à plusieurs jours de marche, les longues battues et les tours de garde nocturnes. Chaque clan voisin avait aussi un animal totem auquel il s’identifiait, les plus proches étaient les gypaètes et les chiens de prairie.

         Sauf lorsqu’il y avait urgence ou péril imminent, les décisions se prenaient par concertation entre le chef, les vieux et les chasseurs aguerris. C’était pourtant le chef qui décidait quand un jeune pouvait être considéré comme un adulte et assez fort pour accompagner les chasseurs ou qui assurait le partage équitable des peaux après une chasse fructueuse.

         Lorsqu’il fallait affronter un animal féroce qui rodait trop près, il dirigeait le groupe de chasseurs qu’il avait choisi pour mener la traque et l’abattre ; la peau et les griffes étaient distribuées à ceux qui avaient terrassés le fauve. Lorsqu’il s’agissait d’un mammouth la chasse était autrement plus risquée et plus difficile encore. C’était presque tout le clan des hommes qui, sous ses directives, était chargé de le cerner et de le repousser vers un escarpement d’où il serait possible de le faire culbuter et de lui faire se rompre les os. Dans ce cas la nourriture était assurée à tous pour longtemps et le cœur et la trompe étaient attribués aux plus courageux qui avaient réussit à le déséquilibrer au péril de leur vie.

           Au sein du clan une dizaine de familles cohabitaient en couples réunis pour la vie car, dans un petit groupe cerné par un environnement rude et dangereux, il n’y avait pas place pour des liaisons éphémères et les enfants devaient être particulièrement entourés afin qu’ils puissent, un jour, être à leur tour les protecteurs de leurs parent vieillissants et affaiblis par l’âge. Bien entendu, dans un environnement si rude, la vie humaine était quasiment sacrée et, de mémoire d’anciens,  il n’y avait jamais eu de guerre entre clans.

          Chaque famille occupait un coin de la caverne où elle avait établi sa couche dans un creux tapissé de fougères et de genets recouverts de peaux d’ours. Par contre les repas se prenaient tous ensemble, réunis le soir près du large feu central qui formait le foyer de la petite communauté. Une faille invisible dans le fond permettait un tirage satisfaisant qui évacuait les fumées sans qu’elle ne piquent les yeux.

         Ainsi le clan se perpétuait, de générations en générations, dans un environnement remarquablement stable et sans trop se poser de questions métaphysiques, encore que la course des étoiles et du soleil, la nature du feu bienfaisant ou la mort de l’un des leurs, plongeaient ses membres dans des abîmes de réflexions sans réponses. Ils communiquaient à l’aide de mots simples, compréhensibles par les groupes les plus voisins, comme : manger, boire, dormir, chasser, etc. Leur vocabulaire empruntait essentiellement à des préoccupations immédiates mais était riche des mots désignant les animaux et les baies ou racines dont ils se nourrissaient.

           Pour des notions plus abstraites comme compter ou mesurer, il y avait la main, le bras, le pas, la taille d’un homme ou la portée d’une javeline. Pour le temps, les jours, les lunes et les saisons servaient de repères. Les volumes s’indiquaient par rapport à ce qui était plat ou rond, gros ou petit : plat comme une feuille, gros comme un ours, grand comme un mammouth, etc. Le comptage était précis lorsqu’il était limité aux vingt doigts des mains et pieds, on pouvait y ajouter des main supplémentaire mais pour les quantités importantes on disait simplement " beaucoup".

           Les femmes étaient les maîtresses du foyer, des soins des jeunes enfants et des tâches domestiques. Elles connaissaient des quantités d’herbes à tisanes ou à onguents et même les graines et fleurs opiacées pour soigner maux et blessures. C’était le plus souvent elles qui travaillaient et tannaient les peaux ou confectionnaient leurs vêtements. Les hommes se réservaient la chasse, la confection des outils et des armes et l’initiation des jeunes lorsqu’ils étaient en âge de devenir chasseurs mais pas avant douze ou treize étés car la quête de la viande était souvent dangereuse et se déroulait dans un environnement, rude et hostile ; en effet ils partageaient leurs terrains de chasse avec de grands prédateurs, ours, tigres , loups, etc. qui, très nombreux, n’hésitaient pas à s’attaquer aux humains lorsqu’ils les croisaient ou que leurs proies ordinaires faisaient défaut.

            Ils se vêtaient de peaux fines formés d’un chasuble et d’une sorte de long caleçon et, l’été, allaient pieds nus ou chaussés de sandales en cuir et fibres. L’hiver ils les troquaient pour de chaudes capotes en fourrure et des bottes en peau de castor ; un gros bonnet fourré complétait cet équipement. Leurs armes de chasse, et éventuellement de défense, étaient composées de deux lances, une longue javeline pour le petit gibier et un gros épieux pour les grosses bêtes ou les fauves ; leur équipement de chasseurs était complété par un  couteau porté à la taille et par un petit sac où ils serraient quelques objets usuels, du lichen sec et des silex pour allumer du feu.

          Souvent les parties de chasse duraient deux ou trois jours mais ne rassemblaient jamais tous les hommes, une partie restant à la grotte ou au campement pour assurer la protection des vieux, des femmes et des enfants.

         Un peu à l’écart, ils ensevelissaient les morts, couchés dans la position du fœtus et pensaient que l’esprit des défunts qu’ils avaient connus les accompagnaient en veillant sur eux.

 

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